Aventure en 7 chapitres, « Rendez-vous à Tokyo » nous amène avec lui à la rencontre d’un homme et d’une femme japonaise. Deux âmes qui s’attirent, s’évitent, se rejettent au grès de la valse des sentiments qui les animent. Un beau film sur la vie, tout simplement, à découvrir en ce moment au cinéma.

Rendez-vous à Tokyo est le nouveau film de Daigo Matsui. On y suit Teruo et Yo dans 7 moments de leurs vies, à chaque fois le 26 juillet. Une date importante pour lui puisque c’est son anniversaire. Dans un Tokyo à l’atmosphère changeante suivant les années, les deux vont se trouver, se perdre, se chercher et vivre leur histoire humaine avec l’intensité de l’amour pur. Celui qu’il est parfois si difficile de garder.

Une histoire de temps

Le scénario du long-métrage japonais fonctionne comme un puzzle. Le réalisateur nous dépose les pièces sous le nez, jouant de la répétitivité de certains décors, et c’est à nous de comprendre comment elles s’imbriquent. En ne nous montrant finalement que 7 jours de la vie de Teruo et Yo, c’est ainsi à nous de remplir les vides. À nous d’imaginer comment les choses ont pu évoluer entre ces moments espacés d’une année. Matsui nous laisse la possibilité de nous faire notre propre histoire et cette liberté fait que chaque spectateur pourra vivre l’expérience à sa manière.

Nous avons quand même assez d’indices pour en comprendre les grandes lignes, et la structure narrative bien à elle donne tout son charme et sa singularité à ce qui, au départ, n’est rien d’autre qu’une simple histoire d’amour.

À la croisée des cœurs

Rendez-vous à Tokyo est en effet avant tout une histoire d’amour entre Teruo (Sosuke Ikematsu) et Yo (Sairi Ito déjà présente dans le très bon We couldn’t become adults). Dans les 7 chapitres du film, leur relation est traversée d’énergies différentes, palpables comme des ondes sentimentales qui vont résonner sur la santé de leur couple. Car les éléments extérieurs vont s’inviter dans le destin des deux Tokyoïtes.

L’épidémie de Covid d’abord, qui aura des conséquences dramatiques sur la vie quotidienne de millions de Japonais, en en plongeant même certaines dans une solitude dévastatrice. Le réalisateur a la bonne idée de commencer son film en 2020, profitant de la mélancolie de cette année pas comme les autres. Pour nos deux amoureux, ce n’est finalement qu’un événement de plus dans leurs vies déjà souvent bouleversées par le drame.

Rendez-vous à Tokyo : l’amour peut-il survivre à tout ?

L’histoire entre les deux n’est en effet en rien un long fleuve tranquille. Yo conduit un taxi. Elle adore son métier qui lui permet de rencontrer chaque jour de nouvelles personnes. Teruo, lui, est danseur. Il est très doué, passionné et va hélas voir sa carrière brisée alors qu’il se casse le pied. S’en suit une longue rééducation et une vision de son futur qui doit changer. Avec elle, la frustration de savoir que l’on ne pourra plus exercer son art et une énergie négative qui va impacter son couple. La poésie s’envole, les moments légers n’ont alors plus leurs places dans le couple. Quand l’agacement interfère face à l’amour, les cœurs se brouillent et en oublient comment battre à l’unisson. Néanmoins, malgré les tempêtes, l’amour se trouve partout dans Rendez-vous à Tokyo.

Love, love, love !

Les personnages secondaires sont peut-être ceux qui ont les histoires les plus touchantes. Ici, un patron de bar homosexuel s’épanche avec philosophie sur les histoires sentimentales de Teruo et Yo. Là, un homme attend sa femme, assis sur un banc, à chaque chapitre. Une séquence chargée en émotion et une belle trouvaille scénaristique, tout en douceur, comme les réalisateurs japonais savent si bien nous les offrir. Elle donne encore plus de force et justifie à elle-seule avec brio le schéma répétitif de la structure dramaturgique. C’est également le cas avec l’intérieur plus ou moins rangé de l’appartement de Teruo puisque chaque nouveau chapitre y commence dedans. On a alors comme un instantané de son état psychologique.

Le long-métrage de Daigo Matsui est une échappée à Tokyo très belle et touchante. Elle nous rappelle que l’amour traverse nos vies au gré des hasards. Parfois, il s’invite pour toujours. D’autre fois, il s’évapore après un temps, parfois très court. Sans parler de celui que, tristement, de temps à autre, on ne partage simplement pas. Rendez-vous à Tokyo est incontestablement une réussite et un film à conseiller à tous les amoureux de récits aussi beaux que mélancoliques.

Distribué par Art House, il est à découvrir au cinéma en France depuis le 26 juillet.

Stéphane Hubert