Gen d’Hiroshima dans l’ombre d’Oppenheimer : un chef-d’œuvre cinématographique

L’incroyable succès du film « Oppenheimer » a ravivé le débat sur l’usage des armes nucléaires et leur danger. Celui-ci intervient en plein anniversaire de l’attaque nucléaire sur Hiroshima, le 6 août 1945. Une opportunité pour (re)voir un chef-d’œuvre d’animation japonaise sur ces évènements tragiques : Hadashi no Gen はだしのゲン. Celui-ci est disponible pour le moment en accès libre sur Youtube.

En 1983, le cinéma japonais donnait naissance à un film intemporel et bouleversant : « Hadashi no Gen » (Barefoot Gen). Cette œuvre magistrale, adaptée du manga éponyme de Keiji Nakazawa, retrace avec une émotion brute les terribles conséquences des attaques nucléaires américaines sur les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki, durant la Seconde Guerre mondiale. Ces évènements historiques se vivent à travers le regard innocent d’un jeune Japonais survivant. L’animation nous plonge sans filtre dans l’horreur de l’irréparable, tout en véhiculant un message universel de paix et de résilience.

Avant tout un manga de Keiji Nakazawa.

Contexte historique

Le 6 août 1945, une bombe atomique est larguée sur Hiroshima. Celle-ci fait « seulement » 13 kilotonnes, mais sa force de destruction équivalait à celle de l’explosion de 13 000 tonnes de trinitrotoluène (T.N.T.). En quelques instants, des dizaines de milliers de vies disparaissent, et le pire est à venir pour les survivants. Mais pour les autorités américaines, ça ne suffit pas. Le 9 août, trois jours après, une seconde bombe est lancée sur Nagasaki. Les États-Unis sont décidés à détruire physiquement et psychologiquement les Japonais pour de bon. Ces bombardements marquèrent un tournant dramatique dans l’histoire de l’humanité, causant des pertes humaines massives, des destructions sans précédent et des souffrances incommensurables. Mais surtout, le monde découvrait LA bombe et le risque d’apocalypse globale.

Hadashi no Gen : le récit de l’innocence brisée

Si le film « Oppenheimer » de Christopher Nolan est une œuvre inévitable à part entière, il ne peut à lui seul décrire l’horreur des attaques nucléaires. Bien au contraire, la description de la violence est suggérée, abordée avec un angle timide. Bien que les photos du drame furent censurées, les Japonais n’ont pas eu cette retenue. Il faudra des années pour que des artistes en parlent.

Extrait du manga éponyme de Keiji Nakazawa.

C’est dans cet esprit qu’Hadashi no Gen fut réalisé par une collaboration inédite de trois réalisateurs japonais : Akio Sakai, Toshio Hirata, Mori Masaki. L’œuvre nous plonge au cœur de cette tragédie, à travers les yeux innocents de Gen Nakaoka, un jeune garçon vivant paisiblement avec sa famille à Hiroshima. Le film dépeint avec une authenticité poignante le quotidien tranquille de Gen avant la catastrophe, soulignant l’importance des liens familiaux et de l’amitié. Cependant, tout bascule lorsque le ciel se teinte soudainement de lumière et que l’horreur s’abat sur la ville.

Pourtant, tout n’est pas qu’horreur dans ce film (et manga) qui nous aura arraché quelques larmes. Malgré la tragédie, Hadashi no Gen met en lumière la résilience du peuple japonais face à l’horreur. Gen et les survivants doivent faire face à des pertes déchirantes et à une réalité apocalyptique, mais leur volonté de survivre et leur esprit indomptable deviennent une lueur d’espoir au milieu d’un paysage de désolation. Les auteurs nous parlent de solidarité et de compassion, où de parfaits étrangers s’entraident pour surmonter les épreuves les plus insurmontables…

À l’image d’Oppenheimer, des années avant l’heure, Hadashi no Gen proposait déjà une première approche des conséquences politiques de ces attaques en questionnant la responsabilité des nations face à l’usage de l’arme nucléaire. L’impact social et psychologique de la Bombe est également abordé avec sensibilité, en particulier sur les enfants comme Gen. Le film dépeint leurs cauchemars récurrents, les souvenirs douloureux et les angoisses qui marquèrent leur existence longtemps après les explosions.

Certaines visions sont particulièrement marquantes…

Outre sa dimension historique, ce film d’animation est un incroyable plaidoyer universel pour la paix et le désarmement nucléaire. En racontant cette histoire douloureuse sous le prisme de l’animation, ce qui le rend accessible à tous, le film rappelle aux générations futures les conséquences incommensurables de la guerre et de l’usage d’armes de destruction massive. Il nous exhorte à préserver la paix et à promouvoir le dialogue entre les peuples en vue de forger un monde plus juste et sécurisé pour tous. Certes, cet objectif semble plus que jamais difficile à atteindre alors que les tensions et les velléités n’ont jamais été si nombreuses dans le monde. Mais sont-elles le fruit des peuples ou de quelques puissants avides de contrôle ?

En revisitant les tragiques événements d’Hiroshima et Nagasaki à travers le regard de Gen, Hadashi no Gen parvient à toucher le cœur de chacun aussi fort, dans son style, qu’Oppenheimer. Ce chef-d’œuvre cinématographique nippon nous rappelle que, malgré l’horreur du passé, la paix et l’espoir peuvent être trouvés au milieu des ténèbres les plus sombres. Le souvenir est un devoir, et, comme le suggèrent certains Japonais, il convient, par respect pour les âmes disparues, de ne pas en faire de la bombe nucléaire une farce ou un objet esthétique commercial (relire notre article : Le Bad Buzz Barbenheimer : « Nous, Japonais, n’oublierons jamais cet été-là »).

Pour tous ceux désireux de découvrir ou de revisiter ce bijou cinématographique, « Hadashi no Gen » est disponible en streaming sur diverses plateformes en ligne. Une manière d’honorer la mémoire des victimes de Hiroshima et Nagasaki en poursuivant notre quête commune pour un monde de paix et de fraternité.

– Mr Japanization