Yamabuki : errance du hasard dans un Japon rural enraciné

Décidément, cet été, la France est amoureuse de cinéma japonais ! Nous découvrons aujourd’hui « Yamabuki », chronique d’un duo dont les routes vont se croiser par la force du destin. Une histoire dans la grisaille où rien n’est jamais tout blanc ou tout noir…

Yamabuki est le nouveau film de Juichiro Yamasaki et le premier à sortir au cinéma en France.

Son histoire prend pour cadre Maniwa, une petite ville dans les montagnes de l’ouest du Japon. Chang-su (Kang Yoon-soo), un ancien jockey olympique de l’équipe de Corée du Sud, criblé de dettes suite à la faillite de l’entreprise paternelle, travaille dans une carrière. Il vit avec Minami et sa fille en bas âge, qui a fui son mari et sa famille il y a sept ans. Pendant ce temps, Yamabuki (Kirara Inori), une lycéenne qui a perdu sa mère et vit avec son père policier, se met spontanément à manifester de manière silencieuse à un carrefour, en pensant à des causes par-delà l’océan. À leur insu, les vies de Chang-su, de Yamabuki et des autres habitants de la ville commencent doucement à s’entrecroiser.

Yamabuki : la vérité d’un autre Japon

Loin des lumières de Tokyo de Rendez-vous à Tokyo sorti le mois dernier, Yamabuki se concentre, lui, sur le Japon rural et bien moins glamour. D’ailleurs, le réalisateur ne fait absolument rien pour donner plus d’éclat à l’image. Ici, tout est gris. Rien ne brille et l’espoir d’une vie meilleure semble bien loin. Et quand on se met à croire à que les choses vont s’arranger, comme Chang-su en début de film, le hasard fait qu’il n’en est rien.

Ici, le grain de sable qui gâche tout est une pierre. Une métaphore à peine cachée qui va chambouler la vie du Sud-Coréen qui pensait qu’il avait enfin trouvé un équilibre depuis qu’il avait quitté son pays. Mais au moins, cet ancien cavalier veut s’en sortir et sait ce qu’il veut. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde autour de lui.

De la difficulté de la jeunesse

De son côté, la très taciturne Yamabuki se demande en effet ce qu’elle va bien pouvoir faire de sa vie. Visage impassible, la lycéenne trouve un étrange refuge dans la manifestation silencieuse. Avec d’autres personnes postées à un carrefour, elle dénonce à grands coups de pancartes bricolées mais toujours sans dire un mot. Cette façon de faire est très japonaise et, même si elle sait qu’elle n’aura aucune incidence sur quoi que ce soit, elle s’y adonne avec sérieux. Pour elle qui se sent insignifiante, c’est déjà beaucoup. Élevée par son seul père policier depuis la mort de sa mère, elle a l’impression d’être invisible.

Il y a pourtant ce garçon qui, lui, la voit avec des cœurs dans les yeux. Mais comment le prendre au sérieux alors que tout le reste semble irréel et futile ? Ne comprenant pas vraiment les sous-entendus, alors qu’il la retrouve à la bibliothèque et lui propose d’aller boire un café, elle lui répond « J’ai une gourde. » sans voir l’enjeu qui se cache derrière la proposition.

La réponse à toutes ses questions est peut-être dans son ADN. Celui du film l’est peut-être aussi.

À focal réelle

Yamabuki est en effet un film qui recherche l’authenticité et l’honnêteté. Exactement comme les correspondants de guerre, profession de la mère de la jeune fille qui lui coûtera dramatiquement la vie. Juichiro Yamasaki filme ainsi avec le même souci de ne jamais mentir. Son scénario mélange de nombreux genres et c’est ce qui lui donne justement cette personnalité bien à lui.

Mélangeant drame, humour, film de gangster, critique sociale… c’est presque du côté du cinéma sud-coréen qu’il faut chercher ses influences. Le long-métrage fait d’ailleurs penser aux œuvres de Bong Joon-Ho, metteur en scène de Memories of Murder et Parasite.

Le réalisateur japonais aime les métaphores et le nom de son film en est une belle. Yamabuki est en effet une fleur qui pousse au printemps en flanc de montagne et qui n’a pas besoin de beaucoup de soleil. À l’inverse des sakura qui trustent tous les regards alors que leur éclosion se fait en même temps. Le film de Yamasaki est de la même veine : il fait discrètement beaucoup avec pas grand-chose, se concentrant sur les relations humaines et les hasards de la vie. Le metteur en scène s’est d’ailleurs inspiré du destin de plusieurs personnes existantes pour créer ses personnages.

Et s’il a tourné à Maniwa (comme ces deux premiers films), c’est qu’il y habite, y est agriculteur, y possède une exploitation de tomates et qu’il est surtout porté par une envie indéfectible de cinéma. L’homme est peut-être discret mais son talent est grand. Alors il ne faut surtout pas passer à côté de son long-métrage.

Distribué par Survivance, Yamabuki est à retrouver au cinéma en France depuis le 2 août.