On ne présente plus Katsushika Hokusai, maître du Ukiyo-e, créateur de « La Grande vague de Kanagawa », une des œuvres les plus connus et reconnaissables au monde. Pourtant, on n’en sait peu sur l’homme et le nouveau film d’Hajime Hashimoto nous dévoile le parcours d’un esprit libre devenu artiste immortel.

Hokusai est un long-métrage d’Hajime Hashimoto produit en 2020. Il nous fait voyager dans le temps, dans le Japon de la fin du 18ème siècle. Alors que le pouvoir impose sa censure sur les artistes, on y suit le jeune Shunrô, apprenti peintre rebelle, exclu de son école à cause de son tempérament impétueux et du style peu conventionnel de ses estampes. Ce chien-fou, bien trop libre pour le Japon de l’époque et refusant toute autorité deviendra pourtant, quelques années plus tard, Hokusai, le célèbre auteur de la Grande Vague de Kanagawa et du reste. Habitué à dessiner de petites scènes dans des carnets de croquis, il est même considéré comme l’un des inventeurs du manga.

Un artiste déchaîné

Tout amoureux du Japon sera conquis dès les premières secondes du long-métrage alors qu’il se retrouve plongé dans le pays à l’aube du 19ème. Les décors sont magnifiques, respectueux de l’époque, avec tout le charme des échoppes des artisans d’Edo, avant qu’une patrouille de police du gouvernement ne vienne saccager une boutique proposant des œuvres « de contrebande » qui pervertissent la morale publique… C’est dans ce climat autoritaire cher à la dynastie des Tokugawa que Shunrô se lance dans le monde de l’art. On comprend vite que le jeune peintre ne veut pas qu’on l’enferme dans une case, et encore moins qu’on touche à ses œuvres. Impétueux, il veut se faire un nom tout seul, à la force de son talent et de son pinceau.

Remettant sans cesse en question sa technique et perfectionniste à l’extrême, il va pourtant marquer l’histoire et les grandes heures de l’Ukiyo-e (les estampes japonaises). Le film nous montre également comment Hokusai a été influencé par les échanges avec d’autres artistes et artisans de son temps, et comment il a su intégrer ces influences dans son propre travail. Toute sa vie, jusqu’à un âge avancé, il apprendra, dans la plus grande tradition de l’état d’esprit japonais.

Oui, le peintre était bien un bourreau de travail, mais il n’en n’était pas moins homme.

Des liens au-delà des feuilles blanches

Hokusai aborde en effet également la vie privée de l’artiste. On y parle de la famille, de la perte et du sacrifice. Hokusai lutte pour gagner sa place dans le monde de l’art, tout en prenant soin de sa fille Oei, qui suit également les traces de son père pour devenir artiste et se faire un nom à son tour (un sujet abordé dans Miss Hokusai). Leur relation père-fille est cependant complexe, la passion d’Hokusai ne laissant pas beaucoup de place à ses proches. Comme tous les hommes, le peintre doit aussi faire face à l’inéluctable présence de la mort autour de lui. Le long-métrage nous montre alors comment chaque perte d’un proche va, à sa manière, influencer son art. Une existence passant de l’ombre à la lumière, la mise en scène s’accordant justement sur ce principe qui fait toute la beauté de l’œuvre du maître.

Une palette large et colorée

La mise en scène d’Hashimoto est en effet délicate et raccord avec la beauté de l’art qu’elle souhaite mettre en avant. Le réalisateur s’amuse des formats, utilisant des plans larges pour montrer les paysages magnifiques qui ont inspiré Hokusai, mais aussi des plans très rapprochés pour nous plonger dans les détails des œuvres de l’artiste. Les transitions entre les différentes époques de la vie du peintre sont fluides, et le film est ponctué de séquences qui nous laissent découvrir son processus créatif brut. Ainsi, le réalisateur a su mettre en valeur l’art d’Hokusai, tout en proposant une intrigue captivante.

Le casting est tout aussi réussi, avec Yuya Yagira (que l’on a déjà beaucoup aimé dans Asakusa Kid) dans le rôle principal de Hokusai. Il apporte une grande profondeur à son personnage, et réussit à capturer à la fois la détermination et la vulnérabilité de l’artiste. Min Tanak, qui interprète le peintre plus vieux, s’amuse avec espièglerie alors qu’il peindra son œuvre la plus connue à 70 ans. C’est un beau voyage historique et artistique qui nous est ici proposé.

Hokusai est donc un long-métrage fascinant et maîtrisé qui nous prend pour témoin de la naissance du génie artistique du peintre, bien plus que le « simple » auteur de la Grande vague de Kanagawa. Le long-métrage d’Hajime Hashimoto nous transporte avec délice dans un Japon du 18ème siècle en pleine effervescence, à une époque où l’art du ukiyo-e – les fameuses représentations du monde flottant – va prendre une place encore plus importante dans son histoire et dans celui du monde dans sa globalité. Hokusai, l’artiste, est un monument et le film vous donnera envie de découvrir et de vous immerger dans l’ensemble de ses œuvres.

Distribué par Art House, Hokusai est à découvrir au cinéma en France depuis le 26 avril.

Stéphane Hubert