Patrimoine mondial classé, cette image de carte postale est archi-connue : un immense Torii rouge qui semble flotter sur l’eau. Il s’agit du fameux Torii de Miyajima ! Accessible librement aux touristes à marée basse, certains d’entre eux, trop nombreux, non-contents d’admirer simplement sa beauté majestueuse, ont été pris d’une manie qui à terme menace l’intégrité de cette structure majestueuse.

Il n’est pas seulement le symbole de la ville de Miyajima située sur l’île d’Itsukushima mais aussi l’un des monuments les plus emblématiques du Japon. Le grand Torii rouge vermillon de Miyajima appartient au sanctuaire shinto d’Itsukushima classé au patrimoine mondial de l’Unesco en 1996. Le Japon a également désigné plusieurs bâtiments du complexe comme Trésors Nationaux, reconnaissant leur valeur patrimoniale exceptionnelle et leur assurant un haut degré de protection.

La galerie du sanctuaire, Trésor National. Source : Flickr

Depuis des temps immémoriaux, les Hommes vouent un culte à l’île entière qu’ils considèrent comme un groupe de déesses. L’origine du sanctuaire remonte à l’an 593 et son bâtiment principal a été construit vers 1168, il n’a jamais cessé d’être vénéré par le peuple, des clans militaires importants et les souverains successifs. Au fil des siècles il est victime d’incendies, frappé par un typhon, menacé par la ruine mais à chaque fois il est restauré et transformé, et à partir XIVème siècle il commence à adopter sa forme actuelle. De ce fait si la plupart des bâtiments ont été édifiés à l’époque Heian (794-1185), l’actuel sanctuaire principal dut être reconstruit en 1571.

Il comporte 37 bâtiments, auquel s’ajoute un sanctuaire externe qui s’étend sur les deux rives de la baie, et qui en compte pour sa part 19. Et malgré toutes les vicissitudes subies et à quelques détails près, le style architectural typique de l’ère Heian de l’ensemble a été préservé. Le sanctuaire bâti sur l’eau en hommage à une déesse maritime qui y est honorée (et pour que les fidèles ne posent pas le pied sur le sol sacré de l’île) est vulnérable aux vents marins et aux typhons, il exige aussi un entretien constant de ses pilotis de bois immergés qui se dégradent et sur lesquels s’accumulent les algues. Mais, jusqu’ici, tout allait bien..

Le sanctuaire ‘auxiliaire’ Marodo, Trésor National. Source : Flickr

Le Torii qui marque l’entrée du sanctuaire a été érigé en 1168, et tous les cent ans les parties immergées abîmées par l’eau de mer ont été remplacées, ce qui fait que le Torii actuel datant de 1875 est de fait le huitième. Il fut classé Bien Culturel Important au niveau national le 5 Avril 1899. Le Torii n’a pas de fondations enfoncées dans le sable pour assurer sa stabilité, son poids de 60 tonnes et ses six piliers suffisant à le maintenir debout. Sa structure fut aussi conçue de manière à absorber les torsions et les mouvements engendrés par la mer, un typhon ou un séisme.

Si cela continue, le Torii pourrait s’effondrer…

D’une hauteur totale de 16,6 mètres et d’une largeur de 24,2 mètres pour la poutre transversale (remplie de galets pour agir comme un poids, pesant 7 tonnes à elle seule), le Torii mêle plusieurs essences de bois : le toit est en écorce de cyprès japonais, les deux piliers principaux d’une circonférence de 9,9 mètres sont en camphrier, un bois résistant aux insectes et aux moisissures, et les quatre piliers de support sont en cèdre. La laque rouge qui le recouvre ainsi que le sanctuaire est censée repousser les mauvais esprits et le préserve de la corrosion, mais pas des touristes peu respectueux !

A marée basse, les touristes se pressent autour du Torii. Source : Flickr

En effet, depuis un certain temps, les touristes ont été pris d’une manie qui abîme peu à peu le Torii : celle de glisser des pièces de 5 yens dans le bois fissuré par son séjour sous l’eau durant une grande partie de la journée dans l’espoir d’attirer la chance, garder la santé, etc.. Pourtant, la pratique n’a aucune base traditionnelle. Il s’agirait visiblement d’un comportement grégaire que les touristes copient en voyant d’autres le faire. En agissant ainsi, ils contribuent à fragiliser la base du Torii. De plus, il ne s’agit vraiment pas de la bonne façon de faire une offrande aux Dieux : les sanctuaires sont en effet munis d’une boite à offrandes dans laquelle le croyant jette des pièces, puis appelle la Divinité en frappant dans ses mains, secoue une corde qui fait tinter une grosse cloche, offre sa prière et s’incline avant de partir.

Source : Flickr

Comme on peut le constater sur ces images, les pièces s’accumulent dans les failles accélérant la dégradation de la couche protectrice du bois. Avec les différences de température, l’accumulation des pièces et l’oxydation du métal, le phénomène d’érosion s’accélère dangereusement. À terme, c’est la structure entière qui est en péril, avec probablement d’importants frais de réparation à prévoir pour la collectivité.

Source : Flickr

Sur Twitter un internaute inquiet de ce phénomène a lancé l’alerte :

Traduction : « Si cela continue, le Torii pourrait s’effondrer… Regardez toutes ces pièces. Les gens les coincent dans les fentes ce qui les agrandit… Je détesterais assister à la disparition de ce Torii qui fait partie du patrimoine mondial de l’Unesco. Souvenez-vous, c’est un sanctuaire, pas un parc d’attractions. « 

De nombreux internautes japonais qui ont réagi à ce tweet partagent leurs sentiments  :

« Il faut être vraiment bête pour croire que ceci attirera de la chance »

« On dirait qu’il souffre »

« C’est terrible ce que le Torii doit endurer »

« Faire cela vous fera gagner un mauvais karma »

Bref, il est temps d’arrêter ça. Espérons que cet appel soit entendu et relayé largement pour faire cesser cette pratique et ralentir la dégradation d’un des plus beaux sites du Japon.

Source : http://bit.ly/2nFapE8

S. Barret


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Sources : en.rocketnews24.com / visit-miyajima-japan.com / visit-miyajima-japan.com /