C’est une célébrité au Japon et pourtant Poulpy est sûr que beaucoup d’entre vous ne la connaissent peut-être pas. Yumi Katsura n’est pas moins que la plus renommée des créatrices de robes de mariée de l’archipel et l’une des meilleures couturières tout court, reconnue internationalement. Et ce talent, elle le mit à contribution pour aider les victimes de catastrophes naturelles. Poulpy a eu l’honneur de la rencontrer à Tokyo alors qu’elle présentait un livre retraçant son histoire, un e-book intitulé « Yumi Katsura : Behind the Scenes ».

Avant de devenir la première créatrice de robe de mariée, elle en fut surtout la pionnière. Car lorsqu’elle a ouvert son tout premier magasin de robes de mariée à Tokyo en 1964, 97% des Japonaises se mariaient alors en kimono. Autant dire que le pari était risqué ! Mais l’essai fut transformé, au point qu’elle a ouvert par la suite des boutiques aux États-Unis, en Angleterre et en France. Yumi Katsura a traversé des décennies de grands bouleversements dans la culture japonaise pour aujourd’hui réaliser des robes de mariée et des kimonos à destination des plus grands de ce monde autant que des Japonaises de la classe moyenne.

Évidemment, c’est sans surprise que certaines de ces robes valent une véritable petite fortune. On peut facilement compter jusqu’à 5 000 euros pour l’une d’elles. Une somme élevée mais qui dissimule un savoir-faire précieux et minutieux. Les robes novatrices de Yumi Katsura sont issues d’un syncrétisme du kimono revisité par des touches de modernité : tissus originaux et traditionnels se mêlent de même que les techniques de haute couture et les techniques ancestrales japonaises comme l’exigeante teinture sur soie « yûzen »qui orne les kimonos les plus somptueux. Des milliers d’heures de travail sont ainsi nécessaires pour faire naître une œuvre d’art toujours unique et destinée à illuminer un jour tout aussi unique dans la vie d’une femme.

Mais outre la beauté indubitable de ses robes, ce qui retient particulièrement l’attention de Poulpy c’est l’humanité que Yumi Katsura montra lors de grandes catastrophes qui ont touché le Japon. Pour en comprendre l’origine, il faut d’abord remonter le temps jusqu’à l’enfance troublée de celle qui ne sait alors pas qu’elle deviendra une grande couturière.

Yumi Katsura est née à Tokyo, le Quand la Seconde Guerre Mondiale prit fin, elle avait seulement 13 ans. Tokyo était réduite en cendres sous les bombardements, quasiment rayée de la carte. Elle vit défiler devant ses yeux, des scènes de mort, de flammes, de désolation, des images indélébiles d’horreurs qui se gravent au plus profond d’un être surtout à un si jeune âge. Puis vint le temps de la reconstruction. Et avec lui, dans les décombres de la guerre, c’est le rêve d’un monde meilleur, celui de l’imaginaire et de la fantaisie qui a peu à peu germé dans l’esprit de la jeune fille.

C’est paradoxalement l’œuvre de Disney « Cendrillon » (1950) qui va aider Yumi Katsura à se reconstruire en tant que jeune fille et qui va alimenter son imaginaire. Un imaginaire qu’elle orientera vers la mode. Elle sortira diplômée du département mode de l’université des femmes Kyoritsu. Ensuite, elle viendra en France pour étudier la haute couture à l’École de la chambre syndicale de la couture parisienne. Lors de son séjour à Paris, elle côtoiera des futurs grands noms de la haute couture française comme Pierre Cardin, Yves Saint Laurent, Pierre Balmain. Puis elle retournera au Japon où elle ouvrira sa première boutique de robes de mariée en 1964.

C’est alors que des décennies plus tard survint en 1995 le grand tremblement de terre de Kobe qui fit 6 000 victimes. L’horreur du passé lui revient de plein fouet en mémoire et lui intime de venir en aide aux victimes d’une manière assez particulière. Si l’État intervient pour ce qui est de l’aide alimentaire et de la reconstruction, comment apaiser les esprits des familles brisées ? C’est pratiquement impossible. Mais Yumi va alors décider de créer et financer entièrement une grande cérémonie de mariage – gratuite – pour les couples victimes de la catastrophe. De simple couturière, elle endosse le rôle de bienfaitrice pour de nombreux amoureux à travers le Japon. Dans un Japon vieillissant ou les mariages se font rares, c’est un symbole fort de renaissance. Un symbole puissant et même sur les cendres d’un drame, les Japonais partagent avec elle cette volonté de redresser la tête et d’avancer ensemble.

À 87 ans, Yumi Katsura continue son œuvre avec un grand rêve en tête. Celui de fonder un musée entièrement dédié aux robes de mariée, rassemblant et exposant chaque style de robe à travers les pays, les époques et les ethnies. Car peu à peu hélas, les coutumes locales sont remplacées par l’occidentalisation des mœurs et un musée pourrait au moins en préserver le souvenir si elles venaient à totalement disparaître.

Pour découvrir plus en détails l’histoire de Yumi Katsura, un e-book intitulé « Yumi Katsura : Behind the Scenes » est disponible à l’achat en ligne.

S. Barret


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